Bon, je crois que la vague de la littérature islandaise facile a été trop surfée. Si on publie des micro textes comme la Lettre à Helga en utilisant des termes comme « coup de coeur » ou « perle » (oui oui), c’est qu’on a une araignée au plafond.
Avis à ceux qui veulent lire ce roman, je vais vous le gâcher dans les prochaines lignes.
Que dire de la Lettre à Helga ? C’est l’histoire de Bjarni Gíslason de Kolkustadir, un simple éleveur de moutons, villageois modèle et solidaire, mari généreux et respectueux qui, au chevet de sa femme mourante et aigrie, décide d’écrire une longue lettre d’amour à Helga, l’amour de sa vie, son ancienne voisine de ferme sur laquelle il a fantasmé toute sa vie et avec laquelle il a partagé quelques mois d’amour bestial sur les bottes de foin, dans l’odeur d’urine et de biquette.
Après quelques semaines de plaisir bourru, de délices adultères champêtres, elle lui annonce l’inévitable : elle porte son enfant. Elle lui propose de tout quitter, elle son mari, lui sa ferme et sa femme infertile, et de partir vivre une chiche vie d’ouvrier à la capitale. Déchiré entre (soyons simples) son cerveau et son sexe, il fait le choix de renoncer à la passion et au bonheur et de rester sur place, continuant à vivre en face d’elle, témoin muet de l’évolution de son enfant et de la déchéance de leurs mariages respectifs.
Amour impossible, infidélité sans remords, cette relation l’a marqué au point de lui pourrir la vie. Il commet l’impardonnable, séduit par les doux poils et les tendres mamelons d’une petite chèvre qui lui rappelle bien trop les courbes de son aimée, et tentera de prendre sa propre vie, anéanti par la honte. On le voit venir de loin puisque c’est comme ça que leur relation est née et qu’il n’a de cesse de l’inscrire dans ce cadre. Poésie du quotidien, sublimation des odeurs les plus primaires, on est presque dans un roman de Balzac.
Au niveau du style, je dirais que c’est bien heureux que le texte soit aussi court. Les essais stylistiques de l’auteur sont bien trop évidents et manquent de subtilité (omniprésence de l’aimée qu’il aperçoit même dans les reliefs de la montagne, dans les odeurs de son quotidien), le texte est truffé d’étonnantes digressions qui perturbent un peu le lecteur, quand par exemple en plein milieu de sa première déclaration il change de sujet pour parler du bétail. Ce n’est pas une lettre d’amour ordinaire.
Le fond de l’histoire pourtant me plait énormément. Quelques mois d’amour passionné qui marquent tout une vie, un choix impossible et qu’il subira toute son existence, la frustration de choisir de faire les choses comme il faut quand tout son être lui crie de chercher le bonheur, je trouve cela aussi excitant qu’universel. Je me serais juste passée des tentatives de poésie, de ces maladroits quatrains éparpillés dans les pages, et des longues descriptions des expéditions pour aller chercher les cadavres en hiver et des techniques d’insémination des boucs.
♥●●●● –1/5
J’ai emprunté les deux voies, mais ni l’une ni l’autre comme il aurait fallu. En ce sens que j’ai suivi l’une, l’esprit tout le temps fixé sur l’autre. Sur toi.
(…) et je compris que le mal, dans cette vie, ce n’étaient pas les échardes acérées qui vous piquent et vous blessent, mais le doux appel de l’ amour auquel on a fait la sourde oreille, la lettre sacrée à laquelle on répond trop tard, car je le vois à présent, dans la clarté du dénouement, que je t’aime moi aussi.
(…) mieux vaut ne jamais croiser l’ amour sur sa route – car une fois qu’on l’a perdu, on se retrouve bien plus mal loti qu’avant.